Les ânes d’après Nerval, Flaubert et Gautier

Mardi 17 Décembre 2019-00:00:00
' Ayman Elghandour

‪Nerval, Flaubert et Gautier ont désigné que le Caire au XVIIIe siècle était une ville rurale; les hommes et les animaux y co-existaient paisiblement. Après son arrivée à la capitale égyptienne, Nerval commença à marcher dans des ruelles poussiéreuses où il a vu "la foule en haillons, l'encombrement des chiens, des chameaux et des ânes". Vingt-six ans après, le même paysage se répète avec Gautier qui a observé "un tumulte prodigieux de calèches, d'ânes, d'âniers, de portefaix, de domestiques de place, de drogmans". Cette cohue d'hommes et d'animaux indique la présence bestiale, nécessaire au service de la société cairote. "On dit qu'on ne compte pas moins de quatre-vingt mille ânes au Caire – écrit Gautier – Nous écrivons ânes et non pas âmes". Ceci explique à quel point les moyens de transport se sont limités pendant cette époque au chameau, au cheval réservé aux soldats et enfin à l'âne, utile au petit peuple et utilisé pour transporter les marchandises. Nous avons également vu le voyageur nervalien se promener "sur un âne et avec la compagnie de son drogman". Flaubert, lui-même, affirme cette réalité en disant: "Nous ne sortons pas sans âne. Les rues sont si étroites qu'il n'y a pas moyen d'avoir d'autre monture."

Malgré leur activité, les ânes sont méprisés. Ils symbolisent la stupidité. On donne le nom d'âne à certaines espèces de mammifères appartenant à la famille des équidés, ayant une taille moyenne et de longues oreilles. L'âne domestique est le plus connu. Depuis son apparition en 3600 av. J.- C., "il sert de monture aux prêtres de Cybèle; aux dieux de l'Inde antique; à Dionysos qui, satisfait de ses services, lui accorde la parole; à Jésus qui sur son dos entre à Jérusalem".La Fontaine et Florian ont abordé l'âne dans leurs fables. Mais pour nous les Arabes, l'âne le plus célèbre est celui de Goha.

‪Nerval et Flaubert ont présenté l'âne sans détails  et l'ont tenu pour moyen de transport dans leurs ouvrages dynamiques et comptant essentiellement sur l'aventure. L'un se contente de souligner l'ânier qui précède la bête et demande à la foule de s'écarter, criant: "Ha! Ha! Iniglac! Smalac!, ce qui veut dire à droite! à gauche!", alors que l'autre nous fait voir des Arabes monter sur des ânes et un moine grec cheminer sur sa mule. Au contraire, Gautier qui était peintre avant de se consacrer à la littérature, a bien décrit les ânes dont le "pelage varie du brun-noir au blanc, en passant par toutes les variétés de fauve et de gris; quelques-uns ont des étoiles et des balzanes blanches. Les plus jolis sont rasés avec une coquetterie ingénieuse, de façon à leur dessiner, autour des jarrets et des jambes, des ramages qui leur donnent l'air d'avoir des bas à jour". L'auteur a essayé d'observer les détails et de les présenter à son tour au lecteur.

‪Ainsi les ânes jouent un rôle remarquable dans la vie cairote. Ils sont domestiqués et s'avèrent le moyen de transport le moins cher. "Personne au Caire ne rougit d'employer cette monture: les vieillards, les hommes faits, les dignitaires et les bourgeois. Les femmes y chevauchent à califourchon, mode d'équitation qui ne compromet en rien leur pudeur". Cependant il y a d'autres animaux employés comme moyen de transport tels les chevaux et les chameaux, réservés aux riches et se trouvant dans les cérémonies familiales et religieuses.